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Non... laisse moi tranquille, va-t-en !

Blessures intimes #1

Cet article bouillonne en moi depuis plus de quatre ans maintenant. Au début c'était trop tôt, les larmes coulaient malgré moi chaque fois que j'y repensais, chaque fois que j'essayais d'en parler. Il a fallu panser mes blessures. Ensuite j'ai eu peur. Peur d'être trop impudique en dévoilant cette intimité par ici, peur de trahir Charlie en exposant ainsi notre histoire, peur du jugement des autres, peur du regard de mes voisins ou de mes parents. Et puis la naissance de Gaspard dans un contexte d'une bienveillance incroyable, l'écoute des sages-femmes et leur volonté de me rendre ce qu'on m'avait volé, cette rencontre où l'on m'a rendu mon humanité... tout ça a fini par refermer la blessure. La cicatrice est encore douloureuse, la pillule est encore amère, mais j'ai enfin les mots pour raconter sans pleurer. Depuis ce jour je sais que je veux partager cette expérience, je sais que je veux dénoncer ces violences si communes à tant de femmes. Je pensais le faire de manière anonyme sur un site dédié aux récits de naissances car contrairement à certaines de mes copines je crois que cette transmisson n'est pas juste impudique, elle est aussi et surtout nécessaire pour informer les femmes et leur redonner le pouvoir par la connaissance. Et puis je me suis dit que non. Si je veux toucher un plus large public que des mamans en recherche de récits d'accouchements pour préparer une naissance à venir, il faut que je le fasse ici, là où les gens se perdent pour le plaisir de me lire. Là où l'on vient par accident. Mon histoire est banale autant qu'elle est unique. Elle n'est pas vraiment représentative et pourtant je sais que je suis loin d'être la seule à avoir été blessée comme ça, c'est la raison qui me pousse à écrire.

Le déclic ? Aujourd'hui jai écouté l'émission "le gynécologue et la sorcière" produit par "un podcast à soi". Il s'agit d'un podcast de très grande qualité traitant du féminisme (je vous le conseille vivement, les sujets abordés sont toujours passionnants). Et d'un coup mon ventre s'est noué, la colère et la rancœur ont refait surface. C'est de moi qu'elles parlaient. Et de tant d'autres femmes !

Voici mon histoire.

Avant ta naissance

Charlie, mon amour, ces lignes je les écris pour dénoncer : "propos déplacés, gestes brutaux, manque d'empathie, actes réalisés sans explications ni consentement, absence de prise en compte de la douleur". Ici je ne parlerai pas de l'attente impatiente, de la joie, de l'amour, de nos gestes, de nos espoirs, de ton regard, de ton odeur... ça tu le sais déjà. Ici j'évoquerai le reste, ce qui peut blesser les mamans, les papas, les nouveaux nés. Ici je veux informer, dénoncer, pour faire avancer les choses. Pour que mon témoignage s'ajoute à la montagne des autres témoignages. Pour que les gens s'interrogent et que les pratiques changent. Pour toi qui deviendra peut-être un jour aussi maman. Et pour toutes les autres femmes.

Je ne parlerais pas de la fatigue immense que j'ai ressenti et que l'on a feint d'ignorer en me disant que c'était normal. Dormez madame, reposez-vous ! Jeune maîtresse dans une classe de ZEP, l'injonction impossible. Je passerais sur les arrêts de travail culpabilisants car je n'ai jamais été remplacée, les contractions incessantes liées à ce rythme de vie effréné. Et puis la naissance prématurée.

À ce moment là je suis une future maman confiante dans l'avenir et je fais les démarches nécessaires pour pouvoir accoucher dans la seule maison de naissance de Paris. Nous sommes des dizaines de femmes à croiser les doigts pour quelques rares places, mes chances sont infimes et je suis recallée. Déçue mais forte de toutes mes lectures, de mes envies, de mon innocence, je me tourne avec optimisme vers l'hôpital public le plus proche de chez moi : Lariboisière, XVIIIe arrondissement de Paris.

À défaut de mieux, je décide de me faire suivre par une sage-femme libérale pour m'éviter l'humiliation des jambes écartées dans des étriers sous la lumière blafarde d'un hôpital sans charme. Grand bien me prend ! Elle est douce, son cabinet est accueillant, la lumière du jour inonde le parquet, les coussins invitent à la détente. Elle m'explique, elle me prend en considération, j'existe, je pense, je suis entière. Benoît n'est pas juste bienvenue, il est impliqué. Elle nous apporte les précieux conseils dont nous avons besoin pour réussir notre accouchement, pour réussir notre allaitement. Elle nous supporte, elle nous coach, elle nous connaît. Elle suit le fil. Elle est sage-femme. J'aurais tant aimé qu'elle puisse être celle qui m'assiste lors de mon accouchement !

Fin de grossesse, on me fragmente. Les quelques rendez-vous obligatoires à l'hôpital s'enchaînent dans un anonymat assourdissant. Lariboisière, hôpital surchargé d'un quartier populaire. Les praticiens sont débordés et font quotidiennement face à des situations ubuesques. Les femmes enceintes qui accouchent là ne parlent pas toujours français et j'assiste à des scènes qui seraient comiques si ça n'était pas le quotidien d'un personnel débordé. On me déshumanise, on ne me considère plus, je deviens un dossier que l'on consulte devant moi. Quelques questions de pure forme, une prise de tension, une oscultation et faites place à la suivante. Je suis debout dans le couloir derrière quatre femmes, on a appelé mon numéro et j'attends sagement : "Enlevez vos chaussures, balance, toilettes, pipi." m'ordonne l'infirmière d'un air revèche. Elle ne m'a pas lancé un regard, je suis abassourdi, c'est à moi qu'on s'adresse ? "Allez, dépéchez-vous, enlevez vos chaussures, pesez-vous et prenez ce gobelet pour aller aux toilettes, première porte sur votre gauche." Je suis un automate, je fais ce qu'on m'ordonne, en chaussettes et je ressors avec mon verre d'urine. On a l'air con avec nos petits gobelets à attendre les unes derrières les autres. J'ai quatre ans et je fais ce qu'on me dit.

Ce n'est que le début. Juste quelques violences ordinaires, de quoi je me plains ? La suite je l'écrirai plus tard. Peut-être demain, peut-être dans un mois. Bientôt j'espère. Pour le moment je clique sur "envoyer" avant de changer d'avis. Ce n'est pas simple de tracer sans fouilli les lignes d'un si long récit ! Tant qu'on y est, en cherchant des images pour illustrer mon propos je suis retombée sur cet article où j'expliquais mon choix d'être suvit par une sage femme libérale

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